Un pour tous, tous pour un !

Je suis un grand fan de cinéma.
Mes anciens cours d’analyse de films m’ont aidé à apprécier davantage leur vision. C’est l’objectif de cette pratique.
Nous allons donc commencer par la dissection d’une série Netflix – et non un film distribué en salles.

Signe des temps, les séries s’imposent de plus en plus dans notre consommation de programmes de fictions.
C’était déjà nettement orienté dans cette direction avant, mais alors là, après le Covid-19 ce sera un raz-de-marée.

De plus en plus de choix, de plus en plus de nouvelles propositions, de plus en plus de plateformes de streaming.

trop-plein

C’est ce que j’appelle l’ère du trop-plein.

On mange trop.
On regarde trop les écrans.
On veut toujours faire plein d’activités car on a peur surtout d’une chose, c’est de s’ennuyer. Alors nos agendas sont remplis. Chacun s’emploie à organiser son week-end pour faire le plus de choses possibles, à chercher le Fun.

Avoir lu et digéré les Pensées de Pascal sur le divertissement, ça peut aider à sortir la tête de l’eau. Parfois.
Mais ça ne prémunit pas pour autant de cette peur moderne. Je suis comme tout le monde, je cherche à meubler mon emploi du temps autant que possible, pour ne pas avoir à penser à la vie avec angoisse.

Vous pensiez que ces digressions nous éloignaient de nos musiciens de The Eddy ? Que nenni !
Nous y retournons directement mais par la porte latérale (l’entrée des artistes).
En effet, la question « à quoi les personnages passent-ils leur temps ? » me semble un bon angle d’attaque pour analyser un film / une série.

The Eddy raconte l’histoire d’un club de jazz à Paris et son groupe de musique résident, tous 2 dirigés par Elliot Udo.
L’occupation principale des protagonistes est donc la musique.
Et d’ailleurs on se dit, heureusement qu’ils ont ça, car le reste de leur vie est désastreuse. Leur vie sentimentale est en lambeaux. Bref ils se raccrochent tous à cet orchestre comme à une bouée au milieu d’un naufrage.

C’est pour moi la principale réussite de cette série, faire ressentir la joie collective qui traverse un groupe de musique. Chaque personnage n’est jamais aussi vivant que lorsqu’il prend son instrument. Il oublie tous ses soucis et nous avec.
Et la musique est bonne, bonne, bonne.

Cette sensation d’être en concert, c’est sans doute ce qui m’a fait le plus de bien. Moi qui sort de moins en moins écouter de la musique Live.
Il faut dire que je regarde dans des conditions privilégiées puisque je dispose d’un Home Cinéma avec des enceintes qui tabassent.

Par contre le cadrage à l’épaule génère dans certaines scènes une image qui tremble BEAUCOUP. Et c’est une catastrophe sur grand écran.
C’est peut-être convenable sur un écran de tablette, mais avec de grandes dimensions ça donne carrément la nausée.
Je trouve dommage quand la recherche formelle empêche d’apprécier l’œuvre sur grand écran.

J’ai démarré la liste des points négatifs alors je vais continuer sur cette mauvaise pente.

Quand on connait Paris et sa région, les erreurs de raccords géographiques font vraiment mal aux yeux.
Par exemple, quand le réalisateur positionne une cave de dealeurs miteux sous le pont de Bir Hakeim, qui est l’un des quartiers les plus luxueux de Paris !

A part ça cependant, les quartiers populaires de Paris (Belleville) ou sa banlieue, sont bien filmés et en phase avec l’état d’esprit des personnage : animé.
Sur ce point, on constate que les séries ont souvent une réelle plus-value par rapport au film dans l’usage des lieux de tournage et leur rôle dans la narration.

Mais tout compte fait, le critère primordial pour apprécier un film ou une série, c’est le scénario, n’est-ce pas ?

Esprit de Paname, es-tu là ?

Sur le papier, il y avait tout pour me plaire : une brochette de musiciens interprétée par un casting international talentueux, une histoire contemporaine dans un Paris nocturne festif, des dialogues qui alternent français et anglais, des décalages culturels… etc.

Pour résumer l’intrigue, notre personnage principal, Elliot Udo, ex-musicien génial, se bat pour la survie de son night-club ET de son groupe de jazz.

Alors déjà, pour commencer, vous en connaissez beaucoup vous, des chefs d’entreprise doublés de directeurs artistiques ? C’ est déjà énorme pour un seul homme !
Et au passage, c’est une dualité qui est judicieusement étudiée dans cette histoire.

Mais ça ne s’arrête pas là…

Dès le premier épisode, Elliot perd son partenaire-et-super-poto-devant-l’Eternel, Farid, qui prenait en charge tous les aspects matériels de leur aventure commune.
Pour ne pas faire les choses à moitié, le macchabée laisse un sacré paquet de merde à son pote Elliot, des magouilles illégales qui éveilleront l’attention de la police sur les activités du club.

Vous ajoutez à cela :

  • la plupart des membres du groupe qui se battent avec leurs démons intérieurs
  • la fille adolescente paumée du héros qui débarque à Paris pour retrouver son père, lui-même tout aussi paumé en matière d’éducation

A m’en’donné, comme on dit à Toulouse, on commence à penser que notre personnage principal se prend pour Sisyphe.

Let’s rock it !

Et c’est à ce moment que j’ai un peu décroché.
That’s too much for one single man !

Les meilleures scènes sont pour moi celles où Elliot essaye de convaincre ses musiciens de rester dans le groupe.
Les moins réussies sont celles où il se fait cuisiner par la commissaire de police.
J’avoue que dans les derniers épisodes c’était Fast Forward systématique quand on se retrouvait au poste.

Que fait la police ?

J’ai des amis musiciens, comme des amis policiers.
Et bien je trouvais la représentation des premiers beaucoup plus juste et intéressante que celle des seconds.
Et je ne parle pas des truands…

Et c’est là le travers dommageable de certaines séries, même les meilleures : l’accumulation de sujets et d’arguments, parfois divergents.
A trop se disperser, on risque de déséquilibrer l’ensemble.
Les scénarios en pâtissent, boursouflés ils perdent en cohérence et en fluidité.

On en revient à ma théorie du trop-plein et la boucle est bouclée (quel talent !)

André Holland

En comparaison, je trouvais l’acteur principal, André Holland, bien plus tranchant dans la série The Knick.
Elle raconte les débuts historiques (et très sanglants) de la chirurgie dans un hôpital public de New York au début du XXe siècle.
Son personnage avait aussi sacrément du pain sur la planche pour s’imposer comme médecin noir dans les USA racistes de cette époque.
Mais au moins la tâche semblait toujours accessible et non pas hors de sa portée.

Bien entendu, ce n’est pas l’acteur qui démérite. Mais si sa partition est trop touffue, son jeu paraît confus.

En conclusion, The Eddy est une série qui a du swing et on l’espère un avenir mais attention … rythme et intrigues ne doivent pas être obtenus au détriment de la cohésion d’ensemble.

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