Et le grand sommeil du caravansérail avait aussi son langage.
Parfois au cœur de la nuit, le voyageur épuisé perçoit une lueur dans l’obscurité.
Cette lumière est le signe du repos, mais aussi et surtout des retrouvailles avec les Hommes.
Et le voyageur est heureux de dissiper son angoisse, au moins le temps d’un relais auprès de ses frères humains.
Dans nos temps incertains, la rencontre avec Joseph Kessel me fait cet effet : le retour à un havre fraternel.
Je commencerai comme Riad Sattouf, avec qui je partage l’analyse.
Il y a parfois des artistes dont on admire l’œuvre, mais dont on se dit qu’ils doivent être de sacrés connards dans la vie.
Je lis en ce moment, « Guerre » de Louis-Ferdinand Céline, le prototype ultime du génie et trou du cul en même temps.
Alors quand on tombe sur un grand créateur, qui se trouve être également un merveilleux représentant de notre race humaine, là c’est jackpot.
J’ai eu le même sentiment de proximité immédiate avec un autre écrivain aviateur que j’admire tout autant, Romain Gary.
Avec lui aussi, je serais bien allé boire des canons.
Avec lui aussi, les sentiments d’amitié de loyauté et de courage prennent tout leur sens.
Qui est donc ce Jeff Kessel qui m’inspire autant d’éloges ?
Pour aller à l’essentiel, je dirais que ce fils d’exilés juif russe, né en Argentine, est pour moi le meilleur représentant de la France.
D’ailleurs c’est une autre raison pour laquelle il est urgent de s’intéresser à cet homme (il y en a beaucoup).
A mon sens, porter haut l’esprit français, ça signifie défendre des valeurs et non un pedigree.
Là encore, son frère d’armes Romain Gary a joué le même rôle pour moi.
Oui il est utile de s’intéresser à ces grands hommes en nos temps actuels si inquiétants, dans lesquels les Européens effrayés se jettent dans les bras de l’extrême droite de la Suède à l’ Italie.
Un peu de biographie.
Joseph Kessel a participé aux deux guerres mondiales pour défendre sa patrie d’accueil, la France. A peine ses 18 ans atteints, il s’engage dans la première guerre mondiale. Il évoluera dans un nouveau corps de l’armée française, très dangereux à l’époque, l’aviation.
Lors de la deuxième guerre mondiale, le général de Gaulle lui demandera d’écrire les paroles d’un hymne à la Résistance. Ce sera le chant des partisans.
Oui les enfants d’immigrés défendent les couleurs de la France.
Au-delà de sa bravoure, c’est son goût insatiable du voyage et des rencontres qui m’inspire tant chez Jeff Kessel.
Grand reporter, il a couvert tous les terrains : des prémices de l’indépendance de l’Irlande à la fondation de l’état d’Israël, en passant par la montée du nazisme en Allemagne.
C’était son destin de tout voir avant tout le monde.
Mais c’était aussi son goût de s’intéresser à tous les peuples qui luttent.
Et toujours aller voir par soi-même pour se faire sa propre opinion.
C’est bien là le cœur du sujet.
Voilà pourquoi le grand Jeff est aussi important aujourd’hui et maintenant.
Quand il me rappelle que la vraie vie est dehors et qu’il faut parfois s’arracher au confort de son canapé et quitter son iPad pour commencer à vivre vraiment.
Pascal Bruckner vient d’écrire un livre qui résonne tout à fait à mes oreilles le sacre des pantoufles. Il décrit nos temps modernes comme des temps casaniers, où l’on n’ose plus trop sortir de chez soi.
Cela fait des mois, des années, que cette idée de l’enfermement m’obsède.
Bien entendu, ça ne s’est pas arrangé avec la pandémie de Covid et ces confinements à répétition.
Et voilà ti pas que toutes mes pensées confuses, se voient enfin ordonnées et publiées par un philosophe de renom !
Je pourrais peut être lui proposer mes services de nègre, si jamais son imagination venait à tarir…
À l’heure où des gens de plus en plus énervés squattent les chaînes d’information en continu,
À l’heure de la distanciation sociale,
À l’heure du Muscadet à 0 degré,
À l’heure de l’abstention généralisée aux élections,
À l’heure des seins en silicone et des voies autotunées,
À l’heure des opioïdes sur ordonnance,
À l’heure des camps de réfugiés,
À l’heure des robots de trading,
À l’heure des perches à selfie,
À l’heure des apps de traçage de nos enfants,
À l’heure où il faut donner une note surtout,
À l’heure des EHPAD,
À l’heure de l’aspartame,
À l’heure de l’enfumage des masses,
À l’heure des complotistes de tout poil,
À l’heure du Brexit,
À l’heure de l’extinction des espèces,
… j’ai besoin d’entendre la voix de Joseph Kessel conter ses voyages.
Ce podcast a été une illumination il m’a permis de redécouvrir ce grand homme et il m’a rendu la soif du grand large :
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-la-nuit-joseph-kessel
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