Le vrai miroir de nos pensées est le cours de notre vie

J’ai eu la chance de naître dans une famille d’intellos.
Pas sûr que cette formule plaise à ma mère …

Pourtant c’est un fait, j’ai toujours vu des livres à la maison. Il y avait aussi les sorties familiales au Théâtre ou au musée. Mais aussi les vinyles de Bob Marley, James Brown et Led Zeppelin.

Montaigne Graffiti

Grandir dans une maison baignée d’arts et de culture, c’était en soi une première expérience du monde. Déjà enfant, cette ouverture d’esprit artistique donnait plus d’épaisseur à la vie. Même si je ne m’en rendais pas compte, bien sûr.

Hier soir, j’exposai ma théorie à ma fille ado.
« Papa, c’est pas ça un intello ! Pour moi, c’est quelqu’un de tellement ennuyeux… »
Alors nous allons trouver un mot de remplacement pour prouver que nous avons du vocabulaire.
Éveillé, c’est pas mal.
Après avoir vu un bon film, je me sens comme le Bouddha.
Serein, calme et inébranlable.

Oui, nous pouvons dire que les arts, au sens large, donnent du sel à la vie.
Plus encore, je crois qu’ils nous décillent le regard, et nous permettent de mieux comprendre la vie que nous traversons.
Et parfois même, je crois, la connaissance des œuvres de la vie rêvée nous aide à naviguer par gros temps, dans la vie réelle.
Cette fois-ci, maman acquiesce !

Alter ego

C’est un plaisir rare et particulièrement savoureux quand on lit une réflexion d’un auteur et qu’on y trouve, plus nette et mieux formulée, une pensée qui était déjà en nous sous une forme embryonnaire et inachevée.
C’est comme si un autre nous connaissait mieux que nous même !

A ce titre, je viens de rencontrer il y a quelques jours pour la première fois, l’un des amis les plus intimes qui soient : Michel Eyquem de Montaigne.
Cela faisait plus de 400 ans qu’il m’attendait, sereinement installé dans la bibliothèque familiale. Sûr de lui, il attendait son heure, patiemment.
Quelle claque, cette rencontre !

« Cent fois, en ouvrant Montaigne, on a, d’une page à l’autre, l’impression : nostra res agitur [c’est de moi qu’il s’agit], l’impression qu’ici est pensé, mieux que je n’aurai pu le dire moi-même, tout ce qui en ce moment occupe le plus profond de mon âme.
Ici est un Toi, dans lequel mon Moi se reflète, ici est abolie la distance qui sépare une époque de l’autre. Ce n’est pas un livre que je tiens dans la main, ce n’est pas de la littérature, de la philosophie, mais c’est un homme qui me conseille, qui me console, un homme que je comprends et qui me comprend.
Lorsque je prends en main les Essais, le papier disparaît dans la pénombre de la pièce. Quelqu’un respire, quelqu’un vit en moi, un étranger est venu à moi, et ce n’est plus un étranger, mais quelqu’un que je sens aussi proche qu’un ami. »

Stefan Zweig, Montaigne, PUF

J’avais déjà beaucoup d’estime et d’affection pour Stefan Zweig, européen comme moi.
Mais là, en plus de remplir la moitié de mon article, on peut dire qu’il a touché dans le mille.

Je découvre à peine le grand Montaigne.
Ce serait donc prématuré de me la jouer expert du bonhomme.
Ou peut-être ne vais-je que paraphraser maladroitement les grands esprits qui décrivent si bien leur lecture des Essais.
Mais comme tu n’as pas encore lu le Hors-Série de Philosophie Magazine, ma chère lectrice, j’ai un tour d’avance sur toi.
Et je compte bien en profiter pour faire le malin à peu de frais.

Ce qui est si caractéristique de Montaigne, c’est l’absence de fard dans la peinture de soi.
Il se décrit de la manière la plus honnête possible, sans chercher à enjoliver le tableau.
Non seulement ce n’est pas si commun, mais c’est surtout juste et bien senti.
Et derrière le cas particulier, se révèle l’universel.

Sans parler de cette langue directe, familière et si drôle.

Sono un bugiardo

Comparaison n’est pas raison.
Pourtant je prendrai un contre-exemple pour illustrer les différentes destinations que peuvent atteindre les méandres de l’introspection.

Un peu compliqué cette phrase, non ?
Nan mais laisse tomber, il se prend pour un écrivain le gazier !

Je me raconte, en version flamboyante.
Cap sur Rimini en Italie.
Il maestro Federico Fellini nous a donné l’exemple d’un artiste qui s’observe, sans tricher.
Prenons Otto e mezzo, l’histoire d’un cinéaste en panne d’inspiration, pure auto-fiction.
Ici on ne trouve pas seulement un auteur-médecin qui s’ausculte lui-même, mais aussi une parabole sur les métiers de la création, les rapports homme-femme … etc.

J’imagine Montaigne et Fellini ensemble à table. Un beau gueuleton sans aucun doute. Ils se seraient bien entendus ces deux-là, comme des larrons en foire.

J’avoue que j’ai un peu perdu le fil de ma réflexion.
Où voulais-je en venir ?

(il fait semblant de chercher, de manière assez crédible)

Bon si c’est à mon tour d’être honnête avec moi-même, je dois bien reconnaitre le chemin qu’a emprunté mon inconscient, et mes recherches dans Google …

… si j’ai écrit tout ça, c’est simplement un prétexte pour vous montrer la scène du harem de 8 ½

Ah ben enfin !

En guise de conclusion, comme disaient les Anciens :

Connais-toi, toi-même.

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